Le jury de cette 10e édition a décerné le Prix Lucas Dolega au photojournaliste français Hervé Lequeux pour son reportage « Les Enfants de la Goutte d’Or » sur les mineurs non accompagnés du quartier de la Goutte d’Or à Paris.
Le reportage
Les Enfants de la Goutte d’Or
Devant la laverie Jessaint, des riverains masqués pressent le pas. Concentrés, ils slaloment entre les jambes étalées sur le trottoir. Assis sur un canapé composé de cartons, cinq jeunes dépenaillés promènent leur regard dans le vide, en s’échangeant des joints. Ils se font appeler Tanjawi, Casawi, Fasi, gloussent un peu lorsqu’on leur demande leur âge. « 17 au Maroc, 15 en France », badine l’un d’eux, dans un français mal assuré.
En hiver, quand le froid devient mordant, ils s’installent au creux des machines à sécher le linge des lavomatics. Leur royaume s’étale entre Barbès et la Goutte d’Or, où ils retrouvent d’autres jeunes, dans la même situation qu’eux. Une sorte de famille brouillonne, régie par la loi du plus fort, du plus malin.
Ce groupe, constitué de plusieurs dizaines de mineurs, se fait et se défait selon les arrivées et les départs, les incarcérations et les placements en foyer. Ils ne sont jamais les mêmes, mais ils forment une bande. Parfois très jeunes (le moins âgé a 9 ans et demi, les plus vieux ont 20 ans), ces petits marocains et leurs copines, sans attaches familiales, polytoxicomanes et SDF, ont bouleversé la vie du quartier.
Biographie
Hervé Lequeux, photographe documentaire basé à Paris.
Auteur des livres: « Zapatistes, Altermondialistes, chronique d’une révolution en marche » et « Une Jeunesse Française ».
En 2011 il documente les révolutions « arabes » (Tunisie, Égypte, Libye) et continue d’en explorer causes et conséquences.
Son long travail sur l’immigration en France a été projeté au Festival VISA pour l’Image (« Le ministère », 2010 et « Une jeunesse française », 2012) et le concours photographique « Parole de photographes » a exposé son documentaire sur le parcours de jeunes afghans de Calais à Birmingham (« Exil afghan »2009) .
En 2012, une bourse d’aide à la création documentaire lui a été attribué par le C.N.A.P pour développer son projet sur la jeunesse des quartiers populaires en France et des grands ensembles, « Une Jeunesse française ».
Depuis 2017, il travaille sur les quartiers défavorisés du pourtour méditerranéen : de la côte libanaise (Beyrouth-Chatila) à la côte algérienne (La Casbah d’Alger, Oran-Sidi El Houari), en passant par la Tunisie et le Maroc.
En 2020, il documente le Covid 19 en retournant dans le quartier du chêne pointu à Clichy-sous-Bois en Seine-saint-Denis pour constater les conséquences de la crise sanitaire sur sa population. Un travail avec lequel il participe à l’exposition collective du festival Visa pour L’image « Pandemic ».
Depuis Septembre 2020, il s’intéresse à la situation des mineurs non accompagné de la Goutte d’Or à Paris, un projet qu’il compte poursuivre dans d’autres villes française ainsi qu’en Europe.